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Tribune
Beatrice Roy
20 mai 2024
3 min
Introduction
J’évolue dans le domaine du recrutement depuis 34 ans (ainsi écrit, j’ai un peu l’impression d’être un dinosaure 😊).
Aujourd’hui, je ressens encore et toujours la même excitation de partir à la recherche de nouveaux profils et découvrir de nouveaux univers : personnes, métiers, environnements, usages… Comprendre le contexte et le besoin de mes interlocuteurs, les conseiller, les aiguiller, partir à la recherche des profils, explorer le marché, établir des approches, faire se rencontrer les interlocuteurs, faire matcher les besoins et les compétences…. La curiosité que j’ai à l’égard des êtres humains, le gout du challenge et une éternelle approche de débutante contribuent à cet état d’esprit.
Bien sûr, depuis 1990, il y a eu de nombreuses évolutions dans le métier du recrutement sur le fond et la forme, toutefois, il me semble que les fondamentaux restent les mêmes. Pour faire un raccourci, je ferai le parallèle entre le recrutement et la rencontre amoureuse. Aujourd’hui, on peut rencontrer quelqu’un en quelques swipes, cependant l’enjeu majeur reste de créer les conditions d’une bonne rencontre, de se donner la chance de se plaire et éventuellement de construire une histoire avec sa singularité.
Et c’est à mon avis, ce qui est le plus essentiel aujourd’hui dans le recrutement, de garder en tête que c’est une rencontre de personnes et d’univers.
1990
Mon premier poste était en agence d’intérim. Nous recevions les CV par courrier ou à l’occasion de rdv dans l’agence. Chacun d’entre nous accumulait des piles monstrueuses de CV sur son bureau dans lesquelles nous partions à la recherche des candidats à contacter.
On appelait sur un téléphone fixe, si répondeur, on pouvait laisser un message, après plusieurs appels infructueux, si urgence, on adressait un télégramme. (#dinosaure😊).
En parallèle des piles de cv sur les bureaux, il y avait aussi les dossiers classés par ordre alphabétique dans une grande armoire, qu’on explorait intégralement pour identifier une solution.
J’ai souvent fait preuve d’inventivité pour aller explorer de nouvelles pistes, pour repérer les ressources dont nos clients avaient besoin. Dès ce moment, j’ai cherché à trouver et mettre en place des systèmes me permettant de retrouver plus facilement les compétences en créant une base de données basique. Avoir une bonne mémoire a toujours été un atout majeur !
Cet apprentissage en agence d’intérim m’a permis de découvrir de très nombreux métiers et secteurs d’activité et d’acquérir une vision globale des acteurs et des techniques. Je me suis perfectionnée sur les techniques d’entretien et sur le relationnel candidat au fur et à mesure de mes expériences.
J’ai toujours abordé mes interlocuteurs avec respect, en veillant à avoir le moins d’apriori possible et en « laissant toujours sa chance au produit ». J’ai toujours fait preuve d’ouverture et de tolérance pour « accueillir » des parcours, des approches différentes et réfléchir aux connexions envisageables.
Je pense avoir toujours abordé la relation d’égal à égal, en gardant mon authenticité et ma transparence.
2000
À partir des années 2000, le déploiement d’internet et des réseaux sociaux, a permis d’accéder à davantage de technologies. Ce qui n’empêchait pas de longues heures passées au fax à transmettre des offres de postes à mon réseau, car les adresses mails n’étaient pas systématiques !
J’ai continué à explorer les métiers lors d’entretiens approfondis et en me documentant. J’ai eu la chance d’être toujours animée par cette volonté de faire le match entre les entreprises et les candidats et de toujours croire en la chance d’y arriver. Dans mes premiers postes, j’ai passé des heures à chercher des profils et pour finir à trouver des solutions et cela a ancré en moi la croyance que « quand on cherche, on finit toujours par trouver ».
C’est aussi à cette période que j’ai commencé à faire partie de différents réseaux et échanger avec d’autres professionnels pour confronter et enrichir notre pratique professionnelle. Travaillant en société d’ingénierie, j’étais dans une posture où je devais attirer, engager et convaincre les candidats. Cela a renforcé ma façon de travailler dans le respect et dans l’authenticité et l’inventivité.
Issue d’une formation marketing et d’un tempérament plutôt pragmatique, j’ai très tôt fait le parallèle entre le recrutement et le marketing, davantage que la partie RH. J’ai donc mis en œuvre des moyens et des techniques issus du marketing.
2010
À partir des années 2010, le buzz autour du recrutement s’est fait plus intense et de nouvelles pratiques se sont développées, avec en parallèle l’intensification de la marque employeur et le recrutement sur mobile. Cela a ouvert la porte à plus de fluidité, de rapidité. Les recruteurs et les candidats ont ainsi eu accès à de nouveaux outils et techniques.
Il y a eu aussi d’avantage de communication et de partage autour des techniques de recrutement. C’est très bénéfique, car cela a créé une solidarité dans le métier.
Le développement de nouveaux outils informatiques au service du recrutement ont fait évoluer les méthodes, et les solutions d’automatisation ont permis de gagner du temps et d’avoir aussi une analyse plus fine des actions et des tendances. Ces dernières années, ces tendances technologiques se poursuivent et s’intensifient et se généralisent avec l’IA. En parallèle, l’accent est davantage mis ces dernières années sur l’inclusion et la diversité, pour davantage d’équité.
Conclusion
J’ai accueilli toutes ces évolutions avec intérêt. Je les considère bénéfiques même si parfois, du fait de mon antériorité, j’ai pu les regarder parfois avec un peu de distance.
Le métier de recruteur, sa position, sa perception ont évolué de manière significative. Je cautionne totalement les tendances actuelles mises sur la personnalisation, l’engagement et l’alignement des valeurs.
Toutefois, ne perdons pas de vue, que de tout temps, l’enjeu du recrutement a été et restera d’identifier et de qualifier la bonne personne, les bonnes compétences pour les mettre en relation au sein d’un environnement professionnel au service de la performance et de la croissance.
Les outils, les techniques, la façon dont on l’appréhende ont certes évolué, mais pour moi cela reste une construction de ponts entre les aspirations des candidats et les besoins des entreprises. Forger des connexions demeure l’enjeu majeur en parallèle des fluctuations économiques et des outils technologiques mis à disposition.
On a accès aujourd’hui à des masses d’information et ce sont souvent des situations spécifiques qui sont mises en avant dans les médias et peuvent occulter la réalité du marché. Du fait de la surabondance de moyens de communication, les candidats et les entreprises peuvent être un peu perdus et avoir du mal à se rencontrer.
Bref, toutes ces technologies sont positives, c’est important de faire évoluer notre métier et notre pratique du recrutement et de savoir utiliser les ressources mises à disposition, sans perdre de vue que c’est notre éthique qui fera la valeur de notre pratique professionnelle.
Auteur
Beatrice Roy
Recruteuse
Freelance